Avec mes collègues, lorsque nous parlons des difficultés des élèves en mathématiques, une question revient souvent : « Comment est-ce possible de n’avoir rien compris aux nombres et d’être au CP/CE1/CE2/CM1/CM2 en parvenant même parfois à faire illusion ? »
*Mode mauvaise foi ON* C’est bien sûr la faute des enseignants du cycle précédent ! C’est pas nous, pas responsables, tant pis ! Et puis on en prend tellement souvent plein la figure par les profs du collège alors REVANCHE ! *Mode mauvaise foi OFF*
Les difficultés observées dans les classes
→ Certains élèves utilisent le vocabulaire technique à vide, sans en comprendre le sens : unité, dizaine, centaine et même parfois les nombres.
→ Certains élèves n’arrivent pas à associer le nombre et la quantité représentée.
→ Certains élèves (et parfois les enseignants aussi, soyons honnêtes) pensent que les maths « c’est logique ». Sauf que souvent « c’est logique » est compris comme « c’est magique, le résultat va me venir comme ça« . De fait, on oublie complètement le travail cognitif des élèves et on les rend passifs.
Dans « Premiers pas vers les maths« , Rémi Brissiaud revient sur tous ces problèmes en apportant des réponses concrètes et faciles à mettre en place dans les classes. Même si le livre traite de la maternelle, la réflexion est transposable très facilement dans les activités des classes élémentaires. La transposition est d’autant plus aisée que pour certains élèves, c’est la construction des premiers nombres qui pose encore problème.
Les +
→ Un livre rapide à lire et facile à comprendre : le propos est clair, direct et concret, pas de blah blah théorique pendant 150 pages. Je vais être honnête, je n’ai pas toujours le temps de me plonger dans les « traités sur la numération » en 12 volumes. Là, 90 pages, toutes utiles, LE TOP.
→ Un accompagnement pas à pas : d’abord une analyse rapide des pratiques actuelles dans les classes qui nous bouscule un peu, puis quelques réponses théoriques avant de prendre le temps de proposer des activités pour les classes. Il y a un tas de propositions faciles à mettre en place, le tout illustré d’exemples.
→ Une efficacité démontrée sur le terrain : le petit livre aide vraiment à avoir une vue d’ensemble de « comment on apprend et comment on enseigne » les maths. Il permet aussi de mieux analyser les difficultés des élèves et de mieux y répondre. Enfin, à l’école, il est devenu un de nos référents, il nous aide à parler tous le même langage et a permis d’avancer concrètement sur notre « chantier des maths » avec réussite.
Les –
→ Une analyse limitée à la maternelle : ben du coup, vue la qualité du petit guide, on aurait aimé en avoir un peu plus, notamment pour les enfants de cycle 2. Mais pour répondre à ces questions, les brochures du SCERÉN « Le nombre au cycle 2/3 » sont pas mal fichues du tout : « Le nombre au cycle 2 », « Le nombre au cycle 3 ».
Ce que j’ai retenu du livre
→ Attention de ne pas enseigner le comptage trop tôt, les enfants doivent d’abord construire les trois premiers nombres. Pas de comptage en PS d’objets en PS.
→ Le rôle du langage dans les apprentissages numériques ne doit pas être sous-estimé : parler des nombres est primordial.
→ La clé pour comprendre les nombres : les décompositions.
Nos premières décisions pour aider les élèves au cycle 2 :
→ Plus de manipulation dans toutes les classes (même le cycle 3 s’y est mis).
→ Dé-com-poser en toute liberté : attention de ne pas imposer trop tôt la décomposition canonique. 80 c’est bien quatre vingts, 4 X 20 mais aussi huit dix (ou groupes de dix)… La base dix n’est pas la seule qui existe, elle n’est pas plus « logique » (j’ai vraiment du mal avec ce mot) que les autres, elle a été choisie. Cela mérite d’être expliqué.
→ Le vocabulaire introduit dans un second temps : on découvre, on nomme avec ses propres mots (groupes de 10, paquets, des uns, des « tout seuls »…) puis on fixe le vocabulaire plus tard. Utiliser les mots unité, dizaine, centaine trop tôt est souvent limitant chez les plus jeunes (CP/CE1), ils ne sont souvent pas compris et éloignent les élèves de la quantité représentée.
→ La numération avant les techniques : même si les programmes sont exigeants sur l’apprentissage des techniques opératoires, on prend plus de temps pour travailler sur la construction/décomposition/représentation des nombres. Pour ça on a notamment ressorti les cartons Montessori.
→ Parler des nombres : prendre du temps pour parler des nombres et pour parler des procédures et stratégies pour se les représenter. Pour cela, nous nous servons aussi des travaux de Stella Baruk « Comptes pour petits et grands ». Les échanges peuvent donner des trucs comme ça, TOP.
Maître : Dans 24, le 2 représente quoi et le 4 représente quoi ?
Élève 1 : Ben maître, le 2 c’est un menteur, c’est pas 2.
M : Ah bon, le 2 c’est pas 2, c’est quoi alors ?
E1 : Le 2 c’est 20 en fait.
E2 : Ou 2 paquets de 10.
M : Et le 4 c’est pas 4 non plus ? On doit se méfier de tous les chiffres ? (C’est l’insécurité mathématiques !)
E1 : Non, lui il dit la vérité, c’est ceux à gauche qui mentent.
Les livres*
→ Premiers pas vers les maths
→ Comptes pour petits et grands. : Volume 1, Pour un apprentissage du nombre et de la numération fondé sur la langue et le sens
Merci beaucoup pour cette petite analyse. Je suis en pleine lecture de « Premiers pas vers les Maths » et me questionnais pour le CP. Grâce à vous je repars pour de nouvelles lectures.