Face à un élève en difficulté d’apprentissage (nous ne parlerons pas ici des difficultés ou troubles du comportement) on différencie, on adapte, on donne plus de temps… mais parfois certains élèves ont du mal à se saisir de tout cela. Il n’est pas facile de se construire positivement lorsque la difficulté et l’échec gravitent autour de nous six heures par jour. Certains perdent confiance, abandonnent, se mettent en retrait, s’opposent…
C’est là que la manière de s’adresser à l’élève peut être un levier pour l’accompagner vers les progrès et la réussite.
1. Dire la vérité
Notre premier réflexe d’enseignant est souvent d’encourager, de féliciter, parfois même à outrance et de manière déconnectée du réel. Assez vite l’enfant et la classe vont s’en rendre compte et les effets bénéfiques seront limités. Mieux vaut donc essayer de ne pas mentir ou de ne pas renforcer positivement dans le vide.
Le renforcement positif n’est surtout pas à abandonner pour autant mais il va falloir l’adapter pour mettre en lumière les vraies réussites, éclairer la progression plutôt que l’écart à la norme. Le travail par micros objectifs est un super outil pour cela. On prend le temps de faire un point sur ce que l’élève sait faire et la direction à prendre, on identifie les difficultés et on fixe quelques objectifs atteignables : pas à pas.
D’une part l’élève va être plus au clair avec ce qu’il sait, ce qu’il doit faire, comment il doit le faire… et d’autre part il sera beaucoup plus facile pour l’enseignant de valoriser les réussites pour renforcer, mettre en projet et mieux accompagner son élève.
2. Utiliser « encore » plus souvent.
C’est un mot tout bête mais je trouve qu’il fait parfois la différence. J’essaie de l’utiliser dès que possible car il écarte l’aspect définitif d’un échec ou d’une difficulté et installe l’élève dans une démarche constructive et positive.
« Maitresse j’y arrive pas… » ou « Maitre, je sais pas faire »
« Tu n’y arrives pas encore mais tu as fait moins d’erreurs de sons aujourd’hui dans ta dictée » ou « Tu n’y arrives pas encore mais tu t’es mise au travail toute seule aujourd’hui et c’est le début… » ou « Tu ne sais pas encore faire mais si tu essaies, tu y arriveras bientôt. Commence tout seul et je viendrai t’aider ensuite. »
Bref, vous trouverez plein de situations bien meilleures que mes exemples dans lesquelles « encore » sera positif 😉
3. Parler des difficultés, expliquer les troubles et identifier les ennemis
C’est la suite du point 1. Pour progresser on a besoin de savoir où on en est, ce qui nous gêne et comment on va s’y prendre. Parler des difficultés, échanger régulièrement avec l’élève, se fixer des objectifs… sera toujours positif. En plus on lève parfois des implicites insoupçonnés (certains de mes élèves pensaient par exemple que regarder les affichages en classe c’était tricher).
Quand un de nos élèves est touché par un trouble des apprentissages, on s’informe, on discute avec les professionnels mais on oublie parfois d’en parler avec l’élève. Quelle représentation a-t-il de son trouble ? Sait-il ce que c’est et ce qu’il se passe en lui ? Quand est-ce que cela l’ennuie le plus ?
L’idée ici est de pouvoir orienter une part de la colère, de la frustration, de la responsabilité des échecs vers le trouble et ainsi d’alléger un peu le sac à dos de notre élève. Avec mes élèves dyslexiques par exemple nous identifions ensemble leurs « ennemis » : p/b, b/d, ch/j, les mots à apprendre par coeur… et nous essayons de mettre en place des stratégies pour les combattre. Nina (9 ans, multidys) me disait l’autre jour « là je suis un peu fatiguée alors mes ennemis ils vont essayer de m’avoir » et elle s’est attaqué à son texte en guerrière. C’est pas la grande classe ça ?
En vouloir à ses ennemis c’est d’abord arrêter de s’en vouloir à soi, et se construire une image positive ancrée dans le réel. Rien ne sera facile mais on ne veut qu’une chose, avancer.
4. Laisser tomber l’intentionnalité
J’entends parfois, quand on parle d’élèves avec des troubles des apprentissages : « j’ai l’impression qu’il s’en fiche », « elle n’a pas envie », « il a un poil dans la main », « elle n’a pas le goût de l’effort », « il fait exprès »…
La plupart du temps, on s’accorde bien sur le fait que l’élève ne se met pas au travail seul mais le reste est une interprétation, un jugement de valeur qui, en plus d’être souvent faux, ne doit plus avoir sa place en classe. En plus, cette intentionnalité supposée joue contre nous et freine les progrès : si l’élève fait exprès alors notre action est limitée et cela renvoie la responsabilité sur l’élève ou sa famille.
Le fait de ne pas se mettre au travail, de contourner, de s’opposer est souvent une conséquence des difficultés rencontrées à cause du trouble. Si on me laisse seul face à quelque chose que je pense ne pas pouvoir faire, moi je ne me lance pas. Et vous ?
Vous avez déjà essayé de lire un texte en vous mettant à la place d’un enfant avec une dyslexie ?
C’est crevant hein ? De quoi en décourager légitimement plus d’un je trouve 😉
5. Faire de la place pour le méta-cognitif
Les mises en commun (corrections par exemple) sont souvent des temps de comparaison des résultats obtenus et nous savons qu’à ce jeu là, les élèves en difficulté font un peu toujours le même constat : ils « ont faux ».
Lorsque la situation est répétée encore et encore, on comprend que certains se mettent en retrait de ces moments de classe douloureux.
Il existe une solution assez accessible : parler moins du résultat ou de « comment il fallait faire » et plus de « comment chacun a fait ». Tout le monde peut alors prendre la parole activement et on s’aperçoit alors que la plupart de ceux qui « ont fait faux » partagent des procédures avec les autres. En plus cela permet aussi, à chaque élève de la classe, de :
→ mieux identifier ses procédures et de mieux les mettre en mots.
→ comprendre sa réussite ou son échec.
→ planifier la prochaine tâche de manière à ne pas répéter l’erreur ou faire en sorte de répéter une réussite.
→ sur le long terme, être davantage capable de se corriger.
Des idées pour compléter l’article ? J’attends vos commentaires !
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