Il faut reconnaître que les élèves en grande difficulté, notamment avec la lecture et l’écriture ont parfois de quoi se décourager. Le système scolaire est souvent très sévère avec eux, sanctionnant dans toutes les disciplines des difficultés qui ne concernent qu’un domaine. En plus, ils peuvent fournir une montagne de travail sans que personne n’en rende compte. Trop souvent, dans la classe, les efforts sont invisibles car écrabouillés par le poids du résultat.
Mais comment faire pour rendre visible le travail, les efforts et la progression des élèves en difficulté ?
Corriger utile : sortir du « c’est juste »/ »c’est faux »
Qu’est-ce qui rapproche un élève « qui fait juste » d’un élève qui se trompe ?
La réponse n’est pas si simple. L’école accorde tellement d’importance au résultat que le reste est souvent oublié. Même si avoir un résultat correct est un objectif, il ne doit pas nous empêcher de voir tous les processus qui ont conduit à son élaboration.
Ce qui réunit tous les élèves d’une classe, c’est le fait qu’ils ont cheminé, été actifs cognitivement, qu’ils ont mis en œuvre des stratégies efficaces ou non. Si on ne peut pas toujours comparer les résultats, on peut facilement mettre en commun ses stratégies.
Et il est beaucoup plus facile d’agir, en tant qu’enseignant, sur la mise en œuvre de stratégies, sur la manière et le moment de mobiliser ses connaissances plutôt que de s’en tenir à une mise en conformité des résultats.
Parler du « comment j’ai fait » : la métacognition, c’est bon pour tout le monde.
Oui, dire « comment on a fait » prend du temps dans la classe, oui, c’est un peu le bazar et oui c’est un temps parfois un peu délicat à gérer au début mais ça vaut vraiment le coup ! Certains disent que c’est nécessaire, moi, je dirais que c’est obligatoire. La clarté cognitive reste l’arme la plus redoutable pour lutter contre toutes les difficultés scolaires.
De toute façon il fallait revoir mon temps de correction car il était trop souvent inutile. Recopier les bons éléments au tableau est certes nécessaire mais rarement très efficace s’il n’est pas accompagné d’un temps de réflexion collective. J’ai donc transformé ce temps de correction en une mise en commun active avec un temps systématique pour parler du « comment j’ai fait ». C’est un temps précieux et rentable en terme de temps investi/progrès constatés car :
→ Cela me renseigne sur les procédures des élèves, je sais mieux « comment ils fonctionnent ». C’est un atout évident pour un enseignant qui me permet de mieux construire, réguler, adapter, évaluer les séances d’apprentissage et de mieux aider les élèves.
→ Ce moment de verbalisation des procédures permet aux élèves d’en apprendre plus sur leur propre fonctionnement. Mettre en mots ses stratégies, c’est être capable de les identifier. Une fois les procédures/stratégies identifiées, il est bien plus aisé d’intervenir dessus, de les changer, de les améliorer…
→ La mise en commun est aussi un moment d’échange entre les élèves. Elle leur permet de dire : « Moi j’ai fait comme lui. », « J’ai fait comme elle sauf à la fin… », « J’ai fait la technique de … et ça a marché ! ». Au delà de la verbalisation personnelle déjà très positive, l’échange de stratégies entre les élèves est importante, elle amènera, au fil des séances à une généralisation et peut-être une institutionnalisation (leçon) qui prendra ses sources dans le vécu des élèves.
Attention l’écueil c’est que nous (les enseignants) parlons souvent trop vite du « comment il FAUT faire ». Dans mon expérience, au plus j’ai retardé ce moment injonctif, au plus efficace j’ai été. Je donne donc la parole aux élèves longuement et je les accompagne avant de généraliser et d’institutionnaliser. Mais je l’avoue, c’est dur de se retenir parfois !
Évaluer utile : le cas de la dictée
Nous sommes, je pense, tous d’accord pour dire qu’une série de 0 n’est pas une entrée motivante pour progresser (à moins qu’on me démontre que des humiliations répétées forgent des individus équilibrés et en réussite). L’évaluation doit servir à l’enseignant mais aussi/surtout marquer une étape dans la construction des apprentissages des élèves.
Le cas de la dictée est assez emblématique. J’entends encore (trop) souvent des enseignants dire « Ben j’ai bien appris comme ça, moi » ou alors « Il pourrait faire un effort »… ça donne envie de répondre que les efforts, il pourrait les faire qu’on ne les verrait même pas avec ce système de notation préhistorique ! Et on peut appliquer ce type de raisonnement à d’autres domaines, la dictée n’est ici qu’un exemple.
Nous sommes nombreux à plancher sur le problème du barème de la dictée, qu’elle soit classique, négociée ou aidée. Voilà quelques idées récoltées au fil des rencontres avec des enseignants qui avaient le même souci que moi :
→ Se servir explicitement de ses connaissances, les mots déjà connus par exemple (extraits des leçons, des travaux divers ou des listes apprises par cœur). C’est une pratique courante qui donne de bons résultats même si on oublie souvent d’y faire référence lors de la dictée « N’oubliez pas qu’il y a des mots que nous connaissons bien dans cette dictée, lesquels ? Soulignez-les… »
Du coup, on peut évaluer séparément la connaissance de ces mots et travailler sur la voie lexicale.
→ Clarifier les erreurs : Une erreur de correspondance grapho/phono n’est pas du tout la même chose que qu’une erreur d’accord ou qu’une erreur d’usage. Pourtant, souvent nos correction ne font pas apparaître ces différences.
Pour que le moment de correction soit plus utile et que l’évaluation permette de progresser, j’ai essayé de mettre en place un codage des erreurs. Je me suis inspiré du GACODES dans lequel chaque erreur est désignée par une lettre : G = Grammaire ; A = accord ; C = conjugaison ; O = Orthographe ; D = Dictionnaire (usage) ; E = Éloigner (problème de segmentation) ; S = sons. Du coup les élèves ont un score de dictée plutôt qu’une note et ce score se traduit par un objectif individuel de progression.
Pour les élèves dyslexiques ou en très grande difficulté avec le code, cela permet de faire la part des choses. Certains vont progresser plus vite en étude de la langue qu’avec les sons. Les progrès seront visibles grâce au code, les erreurs GAC vont diminuer et les S stagner. Pour d’autres, on aura un objectif d’assurer d’abord la correspondance grapho/phono ou d’agir sur les accords car la leçon est proche. Le score de dictée c’est ce qui me permet de clarifier difficultés et progrès. Je m’en sers aussi en production d’écrits lorsque le code est intégré par les élèves.
Faire évoluer les aides et garder des traces
Les aides apportées aux élèves sont évolutives et faites pour disparaître en fonction des progrès même s’il faut en garder une trace. Quand je mets en place une aide j’essaie donc toujours de penser aussi le « désétayage » car cela permet de :
→ Faire des bilans intermédiaires : à chaque modification des aides (adaptations, outils, aides du RASED…) je prends un moment pour faire le point sur les difficultés/progrés de l’élève. C’est une occasion pour regarder derrière et constater l’évolution (positive ou non). « Avant tu avais besoin de ça, regarde ton travail du début de l’année… maintenant, tu n’as plus besoin de tout ça parce que tu sais faire… par contre tu as encore besoin de travailler ça parce que ça t’embête toujours. »
→ Avoir des points de repère : je conserve une trace de toutes les aides, de tout le travail, je n’arrache surtout pas les pages et ne jette pas les vieux outils. Ils sont autant de points de repère qui permettent à l’élève dans les moments difficiles de constater sa progression, le chemin parcouru et de se remettre l’objectif en tête. En plus, cela me permets de m’appuyer sur du concret pour faire mes remarques.
→ Garder un haut niveau d’exigence : Si on abandonne certains outils, c’est parce que l’élève sait faire, il doit donc faire sans outil. Si l’on garde certains outils ou certaines adaptations sur une autre compétence, c’est parce qu’elle reste un objectif pour la prochaine période. Du coup, on s’appuie sur du positif pour maintenir un haut niveau d’exigence et pour aller de l’avant. C’est une spirale qui n’est pas si difficile que ça à amorcer.
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