Quand je co-interviens dans les classes en production d’écrits, j’adore les ateliers de réflexion/négociation orthographique. Le temps de mise en commun est extrêmement riche pour les élèves qui échangent sur leurs procédures, s’interrogent sur leurs connaissances et les interrogent même parfois !
Ce qui saute rapidement aux yeux, c’est que certains élèves semblent étouffer sous le poids des règles. Ils n’osent parfois pas/plus écrire, pire ! ils n’osent pas/plus s’exprimer de peur de faire une faute.
Ces séances sont aussi un moment sans filet qui relève parfois pour nous enseignants du numéro de « stand up grammatico-orthographique » et même si nous préparons beaucoup nos interventions en essayant d’anticiper les difficultés de chacun, nous sommes parfois pris de court !
Ce qui m’ennuie c’est que lorsque les élèves nous demandent « Pourquoi on écrit comme ça ? », nous leur répondons trop souvent comment on écrit. De mon côté, j’avoue que je m’en sors parfois avec le comment parce qu’en vrai, je ne sais pas toujours pourquoi… Du coup j’essaie de me documenter mais c’est souvent indigeste !!!
Heureusement, j’ai rencontré Arnaud Hoedt et Jérôme Piron qui parviennent, avec beaucoup d’humour (bèlge !) à nous apprendre le pourquoi tout en dédramatisant notre rapport à la langue. GÉ-NIAL ! C’est drôle et utile, merci les gars !
Idées 1 & 2 : Un spectacle et un livre pour interroger la langue en se marrant
« La convivialité » de Arnaud Hoedt et Jérôme Piron c’est un spectacle/conférence qui questionne l’orthographe de façon complètement décalée et drôle. Une sorte d’animation pédagogique 2.0 pendant laquelle on apprend un truc nouveau à chaque seconde dans une bonne humeur jubilatoire. Plein de dates sont à venir (surtout à Bruxelles et à Paris pour la rentrée 2019 je crois).
J’ai eu la chance de le voir et j’ai pensé à nos élèves (particulièrement aux élèves en difficulté) pendant tout le spectacle. De quoi nourrir de nombreux échanges avec eux, les faire progresser, les déculpabiliser et libérer, peu à peu, le passage à l’écrit.
Truc formidable, le spectacle existe sous la forme d’un livre »La faute de l’orthographe » avec notamment beaucoup d’illustrations amusantes.
Utile, drôle et très rapide à lire, c’est un énorme coup de cœur !
Au menu du bouquin, explication de l’origine de certaines règles, « démontage » des idées reçues et éclairage d’un tas de sujet avec beaucoup d’humour :
– Les lettres muettes (il n’y a que 3 lettres qui ne peuvent jamais être muettes !).
– Les différentes manières d’écrire chaque son (S.O.S. – Mayday – HELP).
– Les doubles consonnes (pourquoi tant de « n » ?)
– (La galère et les origines de) l’accord du participe passé.
– Les pluriels en « x », en « oux » (prequel !).
– La place de l’orthographe chez les auteurs classiques (la langue de Molière et son « Misantrope », vraiment ?).
– Les différentes réformes de l’orthographe et la compétence (ou pas) de notre bonne vieille Académie française.
– Les racines des mots et le débat sur la persistance des marques (on ne mange pas de la phéta ?).
Dans les programmes, on prône désormais l’apprentissage explicite dans tous les domaines (et c’est très bien !) sauf pour l’orthographe qu’on applique dans un climat de terreur absolu : « C’EST COMME ÇA ! MOUHAHAHAHAHA *rire machiavélique* ». L’orthographe n’est plus un outil au service de la langue, c’est une dictature (et pas toujours une dictature éclairée) ! Elle se prend pour la langue française alors que c’est uniquement une manière de l’écrire (quel melon !). Manière qui, en plus, peut laaaaargement être interrogée et remise en cause tant elle est parfois euh, comment dire ?
En plus, il y a tout un débat sur l’importance de la forme qui prend le dessus sur le fond, sur l’élitisme de l’orthographe et la manière de « trier » les gens en fonction de leur niveau de maitrise. Est-ce raisonnable de juger une personne ainsi que la qualité de sa réflexion uniquement en tenant compte de son orthographe ?
Euh, en fait, NON.
Prenons d’abord le temps de juger l’orthographe elle-même.
Pour un historien de la langue, les accidents de l’orthographe française sont explicables : chacun a sa raison, analogique, étymologique ou fonctionnelle ; mais l’ensemble de ces raisons est déraisonnable, et, lorsque cette déraison est imposée, par voie d’éducation, à tout un peuple, elle devient coupable. Ce n’est pas le caractère arbitraire de notre orthographe qui est choquant, c’est que cet arbitraire soit légal.
Roland Barthes, Le Monde de l’Education, 1976.
Idée 3 : Un podcast drôle et enrichissant sur les absurdités de la langue française (et de son apprentissage)
Parsemée de révélations cocasses et troublantes, cette chronique iconoclaste d’Arnaud Hoedt et Jérôme Piron, deux comédiens belges qui furent professeurs, redorent la langue française de couleurs nouvelles ; un exercice totalement décomplexé et vivifiant.
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